Syndicat Autonome National des Experts de l’Éducation Routière & de la Sécurité Routière
Réuni en séance plénière le 28 novembre, le CNSR a émis plusieurs recommandations au Gouvernement. Il a préconisé notamment : le renforcement de la lutte contre le téléphone au volant et contre la conduite après consommation d’alcool ou de stupéfiants ; un volet de mesures pour mieux intégrer les personnes vulnérables aux aménagements d’infrastructures ; un encadrement des aides à la conduite présentes dans les véhicules avec une meilleure information sur l’usage de ces dernières.
La consommation de certains médicaments induit des comportements à risque élevé avec la conduite. Plusieurs pistes sont proposées pour une formation ciblée des praticiens, pour une communication renforcée sur des mises en garde adaptées à chaque patient, pour un développement de la recherche sur les effets des médicaments sur l’accidentalité, et pour limiter les prescriptions au strict nécessaire pour certaines molécules (benzodiazépine notamment).
Toutes les conséquences d’un accident corporel doivent être visibles du grand public et de la sphère médiatique. Or les données relatives aux blessés de la route et de la rue (65 000 blessés graves chaque année) ne percent pas, occultant ainsi la réalité de l’impact individuel et collectif pour les victimes et leurs proches.
Face à ce constat, il importe d’engager des actions pour renforcer l’information et la prise en considération des blessés victimes de l’insécurité routière en :
•élargissant les indicateurs relatifs aux blessés pour prendre en compte leurs souffrances dans la durée et en traduire l’impact individuel (durée d’hospitalisation, perte salariale, handicaps, stress post-traumatique…) et collectif pour la société (coût global des soins, journées de travail perdues, réponses pénales, indemnisation des assureurs…),
•intégrant les blessés de manière soutenue dans la communication institutionnelle,
•rendant la parole des blessés plus audible et médiatique, leurs témoignages contribuant à leur reconstruction, et parce qu’ils sont aussi des vecteurs de sensibilisation particulièrement efficient pour tous les usagers de la route.
Le risque routier est un risque professionnel majeur, qui demeure la première cause des accidents du travail. Il convient d’agir au niveau le plus pertinent pour développer des actions de prévention spécifiques aux secteurs d’activité identifiés comme étant prioritaires.
Seule une analyse fine de l’activité en lien avec la branche professionnelle concernée (sinistralité, métiers concernés, typologie des entreprises, indicateurs clés de l’activité, contexte socio-économique…) permet de construire des messages et des actions de prévention pertinents et percutants, notamment à l’attention des PME/TPE et artisans.
Pour inciter ces entreprises à agir concrètement contre ce risque, un plan d’action est proposé pour mobiliser au niveau territorial les organisations professionnelles, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics.
Les usagers vulnérables (piétons, cyclistes, usagers deux-roues motorisés…) sont davantage exposés aux risques liés à des défauts de conception et d’entretien des infrastructures où ils évoluent. Ces infrastructures qui relèvent très majoritairement des collectivités territoriales, appellent des aménagements spécifiques propices et adaptés pour ces usagers.
Pour garantir un niveau de sécurité optimal, il est proposé une série de mesures pour inciter les collectivités à aménager leurs infrastructures selon les règles de l’art édictées par le CEREMA, centre technique qui fait référence en ce domaine au plan national. Cette approche suppose également que les collectivités et leurs prestataires puissent se former pour acquérir ces compétences et qualifications en matière d’aménagements propres aux usagers vulnérables.
Un meilleur suivi de la connaissance des accidents impliquant ces usagers doit accompagner le dispositif, par le développement des observatoires locaux de l’accidentalité et la réalisation d’audits de sécurité
La conduite sous l’influence de l’alcool et des stupéfiants est un enjeu majeur de sécurité routière. Ces substances modifient notablement les comportements et majorent considérablement les risques d’accident (la part des conducteurs alcoolisés dans les accidents mortels demeure constante à 30 % depuis +10 ans et, dans ces accidents, 20 % des conducteurs sont positifs aux stupéfiants).
Une lutte plus efficace suppose de développer la recherche pour détecter plus facilement et rapidement ces conduites sous influence. La récidive des conduites sous alcool reste forte, le recours aux éthylotests antidémarrage (EAD) doit devenir systématique dans ce cas. L’EAD doit être promu et développé en prévention primaire pour équiper certaines flottes (entreprises, location, transports de personnes non encore concernés…).
Au-delà des atteintes physiques, l’accident est source de multiples blessures psychologiques pour les blessés de la route et leurs familles (stress post-traumatique, bouleversement de l’image de soi, atteinte de la concentration, effets sur les capacités de travail et les relations avec autrui…).
L’évaluation, la prise en charge et le traitement de ces blessures ne sont pas appréhendés à la hauteur de leurs enjeux et effets persistants.
Il importe d’accompagner les blessés et leurs proches, immédiatement après l’accident, puis dans la durée, pour en faire les premiers acteurs de leur reconstruction. Un parcours doit être construit à chaque étape clef, depuis la prise en charge psychologique jusqu’à l’indemnisation des préjudices.
Pour y parvenir, il est proposé de repenser une charte d’accueil des victimes à diffuser auprès de forces de l’ordre et des établissements de santé, de désigner par département un référent pour coordonner les autorités intervenant et organiser la gestion logistique et matérielle d’accompagnement, de mettre à disposition des victimes un guide précisant leurs droits et indiquant les structures pouvant leur apporter aide et soutien.
En milieu urbain cohabitent toutes les catégories d’usagers qui évoluent dans un espace public dense et contraint. Plus qu’ailleurs il importe que les infrastructures de déplacement soient conçues, aménagées et entretenues avec une attention particulière et dans les règles de l’art.
La recommandation envisage, en concertation avec les usagers, de promouvoir des chartes d’aménagement de la voirie à l’échelle des villes et agglomérations. Sur la base de ces chartes, les gestionnaires de voirie s’engageront pour garantir un degré de sécurité élevé dans l’aménagement et la cohérence multimodale de l’espace public (objectifs de sécurité routière concertés et déclinés dans des programmes d’action et de travaux, cartographie des accidents, audits d’inspection des réseaux…).
En échange de ces engagements, les collectivités pourraient bénéficier d’abondements des dotations financières de l’État.
Les dispositifs d’aide à la conduite se généralisent sur l’ensemble du parc de véhicules (régulateur et limiteur de vitesse, freinage d’urgence, détection frontale et latérale d’usagers ou d’obstacles…). Ces aides sont conçues pour assister le conducteur dans différentes situations de conduite, sans pour autant se substituer à sa vigilance. Elles sont multiples et hétérogènes, selon les marques et les modèles, d’où la nécessité d’assurer une parfaite traçabilité de chacune de ces aides (caractéristiques et potentiels techniques) dès la livraison d’un véhicule.
L’utilisation de ces aides n’est pas intuitive, elle peut induire des pertes de vigilance ou un sentiment de sur-confiance. En cas de mauvais usage, elles génèrent des effets pervers source de risques et d’accidentalité. Face à ce constat, il importe de concevoir des campagnes et modules de sensibilisation, de communication sur ces précautions d’usage.
Surtout il faut informer et former les conducteurs à la bonne utilisation de ces aides lors des formations initiales à la conduite, dans les modules post-permis ou à l’occasion de la prise en main d’un nouveau véhicule dans le cadre professionnel ou privé.
L’usage du téléphone crée un sur-risque lié à son fort effet distracteur. La dangerosité existe indifféremment du mode d’usage (tenu en main avec utilisation des écrans smartphone ou vocal, ou main libre) et du mode de déplacement (voitures, deux-roues motorisés, vélos et même piétons) car son usage entraîne « une compétition d’attention » par phénomène de double tâche.
Le téléphone est impliqué dans 10 % des accidents corporels. Une information claire et objective doit être délivrée autour d’un message fort de non utilisation du téléphone lorsqu’on se déplace sur une voie de circulation. L’aide à l’auto-régulation de l’usage du téléphone doit être promue et la technologie mise à contribution pour proposer des possibilités de déconnexion automatiques ou volontaires en action de conduite. Des moyens de « contrôle-sanction » doivent être développés pour lutter contre les plus récalcitrants, car le nombre des infractions relevées reste à un faible niveau au regard du non-respect des règles.